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Michel-Ricotier

Décès de Michel Ricotier

28 janvier 2023

 Après le décès l’an dernier de deux copains de la Postale, Christian Drouïn et Paul Mallet, je viens d’en apprendre un nouveau : celui de Michel Ricotier, Commandant de Bord à la Postale puis sur Boeing 747. Il était parti à la retraite en 2007.

C’est une mort injuste, imméritée ; renversé par un bus et mort sur le coup en traversant une rue de Chinon.

Pour son épouse, ses enfants, sa famille, ses amis du Chinonais, les membres de l’Aéroclub de Loudun et vous les Hiboux, je vais l’évoquer à ma manière.

Je le connais depuis 1986, tant à la Postale, à Air France, qu’à l’extérieur de la compagnie.

Chinonais de naissance, revenu au pays après quelques années passées en région parisienne, c’était un amoureux de ce coin de Touraine. Joyeux drille, festif, c’était aussi un aviateur compétent, d’un commerce agréable au sein d’un cockpit et d’un équipage.

Par un hasard de programmation de vol et vieux copilote que je devenais à la Postale, j’ai fait avec Joël Chevalier la première rotation de ce jeune Commandant de Bord. Passés par la Corse, nous finissions notre pérégrination à Pau. Ayant au cours de cette rotation découvert notre proximité géographique de résidence, nous en étions venus, bien entendu, à comparer les vertus des vins d’Anjou et de ceux du Chinonais. A ma question de savoir s’il connaissait les vins de Madiran et de Jurançon et à sa réponse négative, je lui rétorquais qu’à l’arrivée il allait faire la connaissance d’une figure locale intéressante, Monsieur Cariorbe, chef d’escale de la Postale à Pau, accent rocailleux du sud-ouest, personnage haut en couleur, comme la majorité des chefs d’escale de la dite Postale.

On pose donc le Fokker. Je descend le premier, salue Moïse, l’assistant qui vient de reculer la R21 au ras de l’échelle, y jette ma valise et ma sacoche de vol et me précipite vers le bureau où je trouve le petit père Cariorbe (c’est familier d’en parler ainsi mais je l’aimais bien. Qu’il me pardonne !).

«  Salut ! Le vol s’est bien passé et on t’apporte un avion en bon état. Je suis avec un nouveau CDB. Sympa, mais il a un gros défaut… Il ne sait pas ce qu’est le vin de Madiran ! ». « On va y remédier ! », me répond-il.

Précisons, ce que vous savez tous, que les vols postaux s’effectuaient de nuit et qu’à tout travail de nuit est lié un casse-croûte de nuit. C’est le code du travail français ! Casse-croûte assorti d’une bouteille de vin. C’est la France ! Bien entendu, bouteille consommée après le dernier tronçon de vol de la nuit. D’une manière générale, le vin était embarqué à l’escale qui fournissait le casse-croûte, celle de Lyon en général. Sauf une exception, vous l’avez deviné, à Pau où on ne pouvait boire QUE du Madiran.

Et, mon petit père Cariorbe de me préciser : « C’est mon anniversaire. J’ai mis une bouteille de Champagne au frais ». Moi, de lui répondre : « Lui aussi en a une pour arroser son lâcher ! ».

Chaque chef d’escale avait sa propre manière de concevoir la visite de contrôle de l’avion. Prolixe, intéressant de par son passé et sa manière de l’évoquer, convivial, Monsieur Cariorbe avait pour habitude de tenir compagnie à l’équipage le temps que ce dernier ingurgite le casse-croûte. Donc il resta avec nous, investi d’une mission importante : expliquer et faire découvrir les subtilités du Madiran à ce béotien débarquant en pays palois.

Il y a deux moments importants dans la carrière d’un pilote : son embauche dans une compagnie digne de ce nom et le lâcher Commandant de Bord. Dans ce bureau de l’escale de Pau, ce fut long, très long, mais joyeux, à la hauteur de la digne célébration d’un lâcher CDB. J‘y découvris que Michel n’était pas un homme pressé ! Avion posé vers trois heures du matin, arrivée au « Conti » vers sept heures (du même matin, je tiens à le préciser), nous prîmes le temps de lui montrer le château et les façades de deux ou trois restaurants du centre ville, d’un intérêt indéniable… (le Berry, notamment). Les Africains disent : « Vous les blancs, vous avez la montre. Nous, les Africains, nous avons le temps ! » Peut-être bien que Michel était un peu africain…

J’en profite pour dire un mot sur l’hôtel Continental, « le Conti » pour les Hiboux. Situé en face de la grande poste, c’était un hôtel à l’ancienne, pas du tout dans les normes d’Air France pour ses équipages, mais totalement adapté à ceux de la Postale : chambres calmes, isolées, service adapté à nos contraintes. L’hôtel a disparu, converti en bureaux. Triste destin !

J’ai revolé plusieurs fois avec Michel à la Postale, toujours avec plaisir. Puis il est parti CDB sur B747. Je l’y ai retrouvé quand, à mon tour, je suis passé CDB sur cet avion. Le long-courrier et le hasard avaient cet avantage de vous faire rencontrer des copains, notamment dans les escales plus ou moins exotiques du réseau cargo exploité en B 747. J’y ai croisé souvent Michel. Nous avions alors le temps de parler de notre séjour à la Postale… et de l’escale de Pau !

Stagiaire « A 9 », il est de la dernière promotion à avoir suivi le cursus théorique du brevet de pilote de ligne à Orly, dans les bâtiments préfabriqués d’après guerre. Intégré chez Air France, il fut qualifié copilote sur Caravelle, Boeing 707 puis Boeing 747, avant de passer CDB à la Postale.

Parti à la retraite, il a suivi un stage instructeur avion léger et est devenu chef pilote à l’Aéroclub de Loudun. Sérieux, intransigeant avec la sécurité, compétent et apprécié, il y a formé de nombreux pilotes dont certains sont aujourd’hui dans le transport aérien. J’ai moi-même suivi sous sa férule un recyclage en aviation légère. Ayant quitté Air France avec 18 000 heurs de vol, il en avait plus de 2 000 à son actif à Loudun.

Michel, ton sourire gouailleur et gourmand commence à me manquer, comme tu vas manquer à ta famille, à tes amis vignerons et à l’aéroclub.

J’adresse à ses proches les condoléances de l’Amicale des Anciens de la Postale de Nuit dont il était membre.

Repose en paix, Michel.

Patrick Viau, Président de l’AAPN.